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qu’au bœuf, ne parle que bœuf et bien-être matériel, admire beaucoup Louis-Philippe et aimerait mieux être le maréchal Soult que Molière ; à table, parle anglais à son domestique. Son chancelier, M. Garnier, sans barbe, chauve, trogne, a l’air d’une vieille femme, nous montre des peintures obscènes de Perse. C’est la même chose dans tous les pays, le but cochon rend la nature impossible ; afin de vouloir montrer les organes, on représente des poses invraisemblables. Quel beau cours d’esthétique il y aurait à faire sur les gravures et les livres cochons ! Je m’en rappelle une, où l’on voit une femme sur un homme ; sa chevelure, répandue, lui couvre le dos, et le c… (nu, pour l’agrément du spectateur) rond, rose, large, semble remplir toute l’image et resplendit comme un soleil ; il y a là un amour de la chair excessif. M. Garnier nous montre des encriers et des boîtes persanes : chasses, hommes à cheval avec des javelots et de grandes barbes, chiens, paysages, arbres, rochers et ruisseaux que sautent des cavaliers à figure grave et courant à toutes brides. Deux petits panneaux en bois pour faire des couvertures de manuscrits. Le premier représente un accouchement : l’accouchée, en pantalon collant rayé, est couchée sur le dos dans une posture pâmée et souffrante, l’enfant est porté sur un plat, les matrones sont autour, une lève les mains au ciel (demandant sans doute qu’il lui en arrive autant), une autre, mettant l’index sur le coin de sa bouche, lui fait signe que ça fait bien mal ; dans le deuxième, on voit la circoncision de l’enfant ; c’est une matrone qui fait l’opération : une femme tient un canard pour amuser l’enfant, une servante apporte du cherbet ;