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fois je rattrapais mes guides, qui avaient glissé dans ma main, avec mes dents, tout en jouissant intérieurement de ce chic cuirassier-empire. D’ailleurs les détours de la montagne, se renouvelant sans cesse, devaient nous cacher aux coups de feu. Mais là aussi (ce fut la seule réflexion inquiétante qui me vint) était le danger ; ils pouvaient, par des chemins à eux connus, gagner une pointe et nous prendre de flanc. Deux fois Max s’est arrêté, j’ai entendu les sheiks crier : Gawon ! Gawon ! Nous sommes repartis, j’ai arrêté mon cheval une troisième fois par pitié pour lui, mais voyant que Max ne s’arrêtait pas, je suis reparti et je l’ai rejoint. Ça a peut-être duré dix minutes, je ne sais combien nous avons fait de chemin, environ une lieue ? À un carrefour, nous nous sommes arrêtés ; Joseph, que je croyais bien loin derrière nous, était tout près. Embarras d’une minute pour prendre la bonne route. Nous ne nous trompons pas du reste, les sheiks nous rejoignent, nous nous apercevons qu’il y a une sacoche de perdue, celle dans laquelle sont nos firmans ; on nous l’a rapportée ce matin.

Rentrée à Jérusalem par Siloë et la porte Saint-Étienne.

Visite au consul (avec sheik Mohammed) à qui nous contons l’affaire. — Sieste. — Dîner chez lui. — Le soir, sonate de Beethoven qui me rappelle ma pauvre sœur, le père Malenson et ce petit salon où je vois miss Jane apporter un verre d’eau sucrée. Un sanglot m’a empli le cœur, et cette musique si mal jouée m’a navré de tristesse et de plaisir ; ça a duré toute la nuit, où j’ai eu un cauchemar y relatif.

Lundi, 19 août, 3 heures.