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temps à autre un Arnaute armé. Dans ces rues vides, en pente, le soleil là-dessus, des décombres, de grands trous dans les murs. Il y a, comme à Tyr, à Sidon, à Jaffa, sur toute la côte, des enfants à belle tête, les petites filles surtout, avec leurs figures pâles, entourées de cheveux noirs mal peignés. — Notre guide, le jeune Iousouf, adolescent de 18 à 20 ans, à yeux noirs et à tournure féminine, rougissant, modeste, doux ; les soldats turcs (tout comme le pacha) sont amoureux de lui, et l’appellent quand il passe près des remparts : « Cawadja Iousouf, guel bourda, cawadja Iousouf. »

Le couvent arménien est immense, c’est propre, bien maçonné, considérable de cours intérieures, de terrasses et d’escaliers. — Constructions pour les moines, autres pour les pèlerins. — L’Arménien me paraît ici quelque chose de bien puissant en Orient ; il y a de ces inutilités de propriétaire, qui dénotent le gousset plein, telles que les rampes en fer sur les terrasses. L’église est surprenante de richesse, le mauvais goût atteint là presque à la majesté. Suffit-il donc qu’une chose soit exagérée pour qu’elle arrive à être belle ? Malheur à qui ne comprend pas l’excès !

Revêtement en faïence bleue jusqu’à hauteur d’homme, colonnes carrées. — À gauche, chapelle de Saint-Jacques ; la place où il fut décollé marquée par un cercle, et, sous l’espèce d’autel entouré de fleurs et de flambeaux, vue sous verre une tête décapitée. L’autel tient tout le fond de l’église, est en dorure, composé de trois arceaux, le plus grand au milieu. — Peintures généralement mauvaises, portraits des patriarches.