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VOYAGE EN FAMILLE.

doit acheter des petites filles et les vendre aux riches ; toujours de votre avis, à la fois l’air gai, officieux, familier et bas sans bassesse plate, parce que c’est l’humilité de nature, quoique le calcul s’y prête et y ajoute.

Le jardin de l’hôtel : treille de roses devant ma fenêtre. — Giuseppi : veste de velours rouge, pantalon idem vert, chapeau blanc  ; grand homme doux et fort.

La Corniche. — À 2 heures de Nice. Après avoir monté sur le côté gauche du torrent, on tourne à gauche et elle commence. Mer bleue, énorme, longue, tranquille. À gauche, les rochers droits à pic, arides. Route tragique  ! mais si calme malgré sa terreur  ; à chaque tournant de montagne elle change, et c’est toujours la même.

Menton. — L’Italie commence, on le sent dans l’air. Petites rues à hautes maisons blanches, étroites  ; à peine si la voiture y peut passer. Avant d’arriver et en sortant, la grande route est plantée de lauriers-roses, cactus et palmiers. — Essaim de mendiants. — Enfants. — Promenade que j’ai faite au bord de la mer, sur le grand chemin. — Oliviers et montagnes à gauche.

Cimetière : figure pâle du fossoyeur, homme maigre sous son bonnet de laine grise. Quel admirable cimetière, en vue de cette mer éternellement jeune  ! Pas une croix  ! pas un tombeau  ! l’herbe est haute et verte  ; à peine s’il y a ces ondulations légères qui font ressembler les champs des morts à des champs de blés fauchés. Qu’y germe-t-il, en effet  ? l’âme y fermente-t-elle pour repousser dans un autre séjour en nouveaux parfums, tandis que sa vielle enveloppe se pourrit  ?