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THÈBES[1].

Arrivée à Louqsor. — Nous sommes arrivés à Louqsor le lundi 30 avril, à 8 heures et demie du soir ; la lune se levait. Nous descendons à terre. Le Nil est bas, et un assez long espace de sable s’étend du Nil au village de Louqsor ; nous sommes obligés de monter sur la berge pour voir quelque chose. Sur la berge, un petit homme nous aborde et se propose à nous comme guide, nous lui demandons s’il parle italien : « Si, signor, molto bene ».

La masse des pylônes et des colonnades se détache dans l’ombre, la lune qui vient de se lever derrière la double colonnade, semble rester à l’horizon, basse et ronde, sans bouger, exprès pour nous, et pour mieux éclairer la grande étendue plate de l’horizon.

Nous errons au milieu des ruines, qui nous semblent immenses, les chiens aboient furieusement de tous les côtés, nous marchons avec des pierres ou des briques à la main.

Par derrière Louqsor et du côté de Karnac, la grande plaine a l’air d’un océan ; la maison de France éclate de blancheur à la lune, comme nos chemises de nubien ; l’air est chaud, le ciel ruisselle d’étoiles ; elles affectent ce soir la forme de demi-cercles, comme seraient des moitiés de colliers de diamants, dont çà et là manqueraient quelques-uns.

  1. Voir Correspondance, I, p. 398 et 412