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pects dont on les entoure. — Démarches pour Soultân ; il y a un mauvais vouloir évident. Quand il a su qu’il partirait et qu’il pourrait guérir, il a voulu nous baiser les pieds, ses yeux pleurant pleins de tendresse ; la reconnaissance non méritée gêne, c’est la récompense d’un sacrifice qui n’a pas eu lieu, on se trouve honteux et devoir quelque chose à l’obligé.

À 6 heures du soir, Haçanin, en portant une poutre, se casse la jambe, il tombe comme un oiseau blessé. Pansement sur le sable, aux flambeaux. Toute la nuit nous l’entendons crier « cawadja ! cawadja ! » d’une voix dolente.

Vendredi 19. — Promenade le matin dans l’île d’Éléphantine, pendant qu’on tire le bateau sur la plage pour le réparer. Nous nous asseyons sous des palmiers, du côté de l’Ouest. — Enfant borgne qui chasse les autres avec un bout de palmier dont l’extrémité est tressée en fouet.

Déjeuner au Café d’Assouan. — Chameaux qui passent. Soleil, nattes en paille sur nos têtes. — Tous ces gens qui viennent boire là. — En face de nous un cawas (russe) avec des bottes recourbées. — Il était midi, le prêtre chantait dans la mosquée. — Transbordement d’Haçanin dans le bateau, départ d’Assouan.

Koubanyeh-el-Abou-Aris. — Arrivés à 6 heures du soir, nous montons sur la berge, Mansourh nous accompagne. — Hommes en silhouette, au milieu des gazis et des palmiers ; grandes bandes vermillon dans le ciel. Des lacs vert pâle se fondent dans le bleu du ciel, les palmiers s’irradient par gerbes, comme des fontaines ; à mesure que vient la nuit ils foncent de ton. Quelques voiles sur le