Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur bouche ils imitent le bruit des instruments, pets factices faits avec les mains. Fergalli fait semblant de leur donner un batchis, le bierg, avec un couteau, lui scie quelques poils de la barbe.

Abou-Horr. — Jeudi 14. — Arrêtés à Abou-Horr, juste sous le tropique du Cancer, faute de vent. Quelques Nubiens viennent nous vendre différents objets. Maxime essaie de faire une épreuve d’un chadouf. — Laideur d’un grand nègre qui pose à droite.

Le village est au pied de la montagne, dont les assises régulières, amoncelées, donneraient (si on ne les avait déjà vues) la meilleure idée de la base en ruine de la Grande Pyramide. Les petits garçons sont tout nus, les jeunes filles n’ont qu’un caleçon d’aiguillettes de cuir. L’aiguillette de cuir se retrouve partout et les chevelures me semblent l’imiter, à moins que ce ne soit l’aiguillette qui imite la chevelure.

Le courrier de la poste s’est arrêté devant moi pour me demander un batchis, il portait sur son dos une sacoche en cuir et à la main le petit bâton de gazis, recourbé. Derrière lui, et courant aussi, suivait un jeune garçon sonnant une sonnette et qui avait, passé au bras gauche, un poignard attaché à un bracelet de cuir. Ils sont repartis en courant.

J’ai vu une petite fille de douze ans environ, nue, charmante, avec son petit caleçon de cuir battant sur ses petites cuisses et ses petites mèches tressées tombant sur ses épaules. Ses yeux d’émail souriaient, ses reins cambrés. Elle avait un petit collier rouge et des bracelets à grains bleus, elle portait un panier dans une pauvre maison et