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nous ne restons guère. — Sur les maisons sont des sortes de tours carrées, avec des perches couvertes de ramiers. Sur leurs portes, quelques almées, moins qu’à Kesneh, d’un costume moins brillant, d’un aspect moins crâne.

Maison de Ruchiouk-Hânem. — Bambeh nous précède, accompagnée du mouton ; elle pousse une porte et nous entrons dans une maison qui a une petite cour, et en face de la porte un escalier. Sur l’escalier, en face de nous, la lumière l’entourant et se détachant sur le fond bleu du ciel, une femme debout, en pantalons roses, n’ayant autour du torse qu’une gaze d’un violet foncé.

Elle venait de sortir du bain, sa gorge dure sentait frais, quelque chose comme une odeur de térébenthine sucrée ; elle a commencé par nous parfumer les mains avec de l’eau de rose.

Nous sommes entrés au premier étage. On tourne à gauche au haut de l’escalier, dans une chambre carrée, blanchie à la chaux : deux divans, deux fenêtres, une du côté des montagnes, une autre donnant sur la ville ; de celle-là, Joseph me montre la grande maison de la fameuse Saphiah.

Ruchiouk-Hânem est une grande et splendide créature, plus blanche qu’une Arabe, elle est de Damas ; sa peau, surtout du corps, est un peu cafetée. Quand elle s’assoit de côté, elle a des bourrelets de bronze sur ses flancs. Ses yeux sont noirs et démesurés, ses sourcils noirs, ses narines fendues, larges épaules solides, seins abondants, pomme. Elle portait un tarbouch large, garni au sommet d’un disque bombé, en or, au milieu duquel était une petite pierre verte imitant l’émeraude ; le gland bleu de son tarbouch était