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bord quelques Arabes tout nus, qui courent ; de temps à autre, un voyageur à cheval qui passe, enveloppé de blanc et trottinant sur sa selle turque. — Passagers : Mme Chedutan, grande, maigre, élégante, vêtue en grecque ; son mari, médecin français au service du vice-roi, couché sur des couvertures en bas, avec une Abyssinienne à ses côtés qui le soigne ; famille anglaise, hideuse ; la maman semblait un vieux perroquet malade (à cause de son auvent vert ajouté à sa capote) ; M. Duval de Beaulieu, secrétaire de l’ambassade belge à Constantinople ; ingénieur arabe parlant anglais et se paffant de porter le soir à table.

Latfeh. — Poules sur les maisons, elles ressemblent à celles des fellahs d’Alexandrie (et de toute l’Égypte). Cela me semble lugubre, surtout au coucher du soleil. Les bateaux des Barbarins, enfoncés dans l’eau, sont rehaussés d’un bordage en terre. Le soleil se couche, les minarets de Fouah brillent en blanc à l’horizon à gauche ; au premier plan, prairie verte.

À Latfeh on entre dans le Nil et l’on prend un bateau plus grand.

Première nuit sur le Nil. — État de satisfaction et de lyrisme : je fais des mouvements, je récite des vers de Bouilhet, je ne peux me résigner à me coucher, je pense à Cléopâtre. Les eaux sont jaunes, il fait très calme, il y a quelques étoiles. Vigoureusement empaqueté dans ma pelisse, je m’endors sur mon lit de campement que j’ai fait dresser sur le pont, et avec quelle joie ! Je suis réveillé avant Maxime ; en se réveillant, il étend son bras gauche pour me chercher.