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avez vu la chute dans la forêt, la glorification de l’adultère, et

cette femme dont la beauté devient plus grande avec cette poésie. J’ai parlé de la transition religieuse, et vous y avez vu la prière emprunter à l’adultère son langage. J’ai parlé de la seconde chute, je vous ai déroulé les scènes qui se passent avec Léon… Je vous ai montré la scène du fiacre — supprimée — mais je vous ai montré le tableau de la chambre et du lit. Maintenant que nous croyons nos convictions faites, arrivons à la dernière scène : à celle du supplice.

Des coupures nombreuses y ont été faites, à ce qu’il paraît, par la Revue de Paris. Voici en quels termes M. Flaubert s’en plaint :

« Des considérations que je n’ai pas à apprécier ont contraint la Revue de Paris à faire une suppression dans le numéro du 1er décembre. Ses scrupules s’étant renouvelés à l’occasion du présent numéro, elle a jugé convenable d’enlever encore plusieurs passages. En conséquence, je déclare dénier la responsabilité des lignes qui suivent ; le lecteur est donc prié de n’y voir que des fragments et non pas un ensemble. »

Passons donc sur ces fragments et arrivons à la mort. Elle s’empoisonne. Elle s’empoisonne, pourquoi ? « Ah ! c’est bien peu de chose la mort, pensa-t-elle, je vais m’endormir et tout sera fini. » Puis, sans un remords, sans un aveu, sans une larme de repentir sur ce suicide qui s’achève et les adultères de la veille, elle va recevoir le sacrement des mourants. Pourquoi le sacrement, puisque, dans sa pensée de tout à l’heure, elle va au néant ? Pourquoi, quand il n’y a pas une larme, pas un soupir de Madeleine sur son crime d’incrédulité, sur son suicide, sur ses adultères ?

Après cette scène, vient celle de l’extrême-onction. Ce sont des paroles saintes et sacrées pour tous. C’est avec ces paroles-là que nous avons endormi nos aïeux, nos pères ou nos proches, et c’est avec elles qu’un jour nos enfants nous endormiront. Quand on veut les reproduire, il faut le faire exactement ; il ne faut pas du moins les accompagner d’une image voluptueuse sur la vie passée.

Vous le savez, le prêtre fait les onctions saintes sur le front, sur les oreilles, sur la bouche, sur les pieds, en prononçant ces phrases liturgiques : quidquid per pedes, per aures, per pectus etc., toujours suivies des mots misericordia, péché d’un côté, miséricorde de l’autre. Il faut les reproduire exactement, ces paroles saintes et sacrées ; si vous ne les reproduisez pas exactement, au moins n’y mettez rien de voluptueux.

« Elle tourna sa figure lentement et parut saisie de joie à voir tout à coup l’étole violette, sans doute retrouvant au milieu d’un apaisement extraordinaire la volupté perdue de ses premiers épanchements mystiques, avec des visions de béatitude éternelle qui commençaient.