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peler Berthe une jeune femme ; dès lors ce nom-là fut choisi, et, comme le père Rouault ne pouvait venir, on pria M. Homais d’être parrain. Il donna pour cadeaux tous produits de son établissement, à savoir : six boîtes de jujubes, un bocal entier de racahout, trois coffins de pâte à la guimauve, et de plus, six bâtons de sucre candi qu’il avait retrouvés dans un placard. Le soir de la cérémonie, il y eut un grand dîner ; le curé s’y trouvait ; on s’échauffa. M. Homais, vers les liqueurs, entonna le Dieu des bonnes gens. M. Léon chanta une barcarolle, et Mme Bovary mère, qui était la marraine, une romance du temps de l’Empire ; enfin M. Bovary père exigea que l’on descendît l’enfant, et se mit à le baptiser avec un verre de champagne qu’il lui versait de haut sur la tête. Cette dérision du premier des sacrements indigna l’abbé Bournisien ; le père Bovary répondit par une citation de la Guerre des dieux, le curé voulut partir ; les dames suppliaient ; Homais s’interposa ; et l’on parvint à faire rasseoir l’ecclésiastique, qui reprit tranquillement, dans sa soucoupe, sa demi-tasse de café à moitié bue.

M. Bovary père resta encore un mois à Yonville, dont il éblouit les habitants par un superbe bonnet de police à galons d’argent, qu’il portait le matin, pour fumer sa pipe sur la place. Ayant aussi l’habitude de boire beaucoup d’eau-de-vie, souvent il envoyait la servante au Lion d’or lui en acheter une bouteille, que l’on inscrivait au compte de son fils ; et il usa, pour parfumer ses foulards, toute la provision d’eau de Cologne qu’avait sa bru.

Celle-ci ne se déplaisait point dans sa com-