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la tentation de saint antoine

gesticuler avec la main droite, il gesticulait avec la main gauche.

C’étaient des choses inouïes, transportantes ! Des fleurs toutes grandes ouvertes tournoyaient devant mes yeux, et j’entendais, dans les espaces, comme la mélodie d’un archet d’or. Mes bras lâchèrent les barreaux, mon corps tomba. Je ne sais s’il avait fini, ou si c’est moi qui avais cessé de l’entendre. Mais la piscine était vide, et sur les dalles sablées de poudre bleue, la lune, entrant, allongeait des rayons clairs.

ANTOINE prêtant l’oreille.

De qui donc parlent-elles ?

MAXIMILLA

Nous revenions de Tarse par les montagnes, lorsqu’à un détour du chemin nous vîmes un homme sous un figuier.

Il cueillait les feuilles et les jetait au vent. Il arrachait les fruits et les écrasait par terre.

Il nous cria de loin : « Arrêtez-vous ! », et il se précipita en nous injuriant. Les esclaves accoururent. Il éclata de rire. Les chevaux se cabrèrent, les molosses hurlaient tous.

Il était debout, au bord du précipice. La sueur coulait sur son visage olivâtre. Le vent de la montagne faisait claquer son manteau noir.

Il nous appelait par nos noms, il nous reprochait