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première version

sortions dès le matin sans litière ni suivantes, pour aller dans les tavernes corrompre des geôliers. Nous visitions les confesseurs, nous chantions des psaumes, nous parlions des anges. Nos époux, pendant ce temps-là, se tourmentaient à la maison.

Oh ! mère de Dieu, ils ont avec leurs caresses troublé la calme profondeur de la foi, comme avec des pierres que l’on jetterait dans un puits, l’une après l’autre.

Antoine s’avance pour les mieux voir.
PRISCILLA se met à dire :

J’étais au bain, les murs ruisselaient, l’eau coulait et je m’endormais au vague bourdonnement des rues qui montait jusqu’à moi.

Tout à coup, j’entendis des clameurs. On criait : « C’est un magicien ! c’est le Diable », et la foule s’arrêta devant notre maison, en face du temple d’Esculape. Je me levai sans prendre ma chaussure et me haussai avec les poignets, jusqu’à la hauteur du soupirail.

Sur le péristyle du temple, il y avait un homme vêtu en affranchi qui portait un carcan de fer à son cou. Il prenait des charbons dans un réchaud et il s’en faisait sur la poitrine de larges traînées, en appelant : « Jésus, Jésus ! » Le peuple disait : « Cela n’est pas permis, lapidons-le. » D’autres applaudissaient. Lui, il continuait, et quand il était fatigué de