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la tentation de saint antoine
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C’est moi ! moi ! Père pour les Samaritains, Fils pour les Juifs, Saint-Esprit pour les nations, qui suis venu la faire remonter dans sa splendeur et la rétablir au sein du Père, — et maintenant, inséparables l’un de l’autre, nous allons, délivrant l’Esprit et terrifiant les Dieux.

J’ai prêché dans Ephraïm et dans Issakar, à Samarie et dans les bourgs, dans la vallée de Mageddo, le long du torrent de Bizor, et depuis Zoata jusqu’à Arnoun, et au delà des montagnes, à Bostra et à Damas.

Je suis venu pour détruire la loi de Moïse, pour renverser les prescriptions, pour purifier les impuretés. Je convoque au grand amour les âmes des fils d’Adam, qu’elles soient frénétiques de luxure ou affolées de pénitence. Viennent à moi ceux qui sont couverts de boue, ceux qui sont couverts de sang, ceux qui sont couverts de vin ! Par le baptême nouveau, comme par la torche de résine que l’on traîne dans les maisons lépreuses pour brûler sur les murs les taches de rousseur qui les dévorent, je les rincerai jusqu’aux entrailles, jusqu’au fond de leur être.

Feu ! Allume-toi ! Saute, cours, ravage, purifie, sang d’Ennoïa, âme de Dieu même !

Une flamme blanche paraît à la surface du vase, s’en échappe, voltige de côté et d’autre et poursuit saint Antoine.

À la cour de Néron, j’ai volé dans le cirque, et volé si haut qu’on ne m’a plus revu. Ma statue