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première version

serpent qu’ils déroulent, un grand demi-cercle, à l’entrée duquel se tiennent un vieillard en robe blanche, pinçant de la lyre, et un enfant nu jouant de la flûte, sur un air doux et joyeux, quoique plein de lenteur.

LES OPHITES commencent.

C’était lui ! Moïse le savait !

ANTOINE criant.

Mais non !… comment cela ?

LES OPHITES

Moïse le savait qui éleva dans le désert le serpent d’airain.

Antoine ouvre des yeux stupéfaits, — ils reprennent :

Ses spirales sont les cercles des mondes, les métaux ont pris leurs couleurs aux taches de sa peau. De ce qu’il mange rien n’est rendu, il absorbe tout.

Assise sous un térébinthe, elle le regardait monter. Son corps gluant se collait contre l’écorce et les feuilles vertes s’enflammaient à son haleine.

Quand il eut passé par toutes les branches, il reparut. Les os de sa mâchoire s’écartèrent, le fruit tomba.

Il le retint sur ses dents, et, suspendu par la queue au tronc du grand arbre, il balançait devant le visage d’Ève sa tête sifflante aux paupières enivrées.