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première version

Je suis bien fatigué ce soir ! mon cilice me gêne ! comme il est lourd !

Il se détourne et aperçoit l’ombre de la croix qui a dépassé la pierre.

Ah ! misérable ! qu’ai-je fait ? allons ! vite, vite !

Il frappe deux cailloux, enflamme une feuille sèche, et allume la petite lampe qu’il raccroche à la muraille : la nuit est presque venue, il s’agenouille.

Il y a des gens qui prient pour le seul plaisir de prier, qui s’humilient pour s’humilier, mais moi ? est-ce par besoin ou par devoir ?… assez, assez ! plus de ces réflexions !… Salut, Marie pleine de grâces !… oh ! que je t’aime ! Que n’ai-je pu, dans la poussière de la route, suivre ton long voile bleu flottant, lorsque, au pas cadencé de l’âne voyageur, il se levait derrière toi et disparaissait sous les platanes !…

Antoine s’interrompt, la tortue s’avance, le cochon se réveille.

Cette figure ! c’est comme si jamais je ne l’avais vue ! je voudrais qu’elle fût plus grande…

UNE VOIX, presque indistincte, murmure :

Bien haute, n’est-ce pas ?