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XXXVI
préface

n’y tient compte que de la reconstitution historique et de la couleur locale, nous ne croyons pas non plus que l’œuvre de Flaubert ait été dépassée. Or, elle est antérieure de plusieurs années à La Légende des siècles et aux Poèmes antiques.

Enfin, quand elle n’aurait pas ces mérites, elle se rachèterait encore par le style. On découvrira peut-être dans les morceaux que nous publions de nouveaux motifs de l’admirer et l’on s’apercevra que tout n’a pas été dit sur la virtuosité prodigieuse de Flaubert. Il reste, au moins, un des plus grands rhéteurs — sinon le plus grand — de notre langue.

Désormais, cette rhétorique si calculée, si sûre d’elle-même, apparaîtra, à ses débuts, comme l’instinct naïf et intempérant, comme l’ivresse verbale d’un très jeune artiste qui se réjouit de beaux sons. Ses dévots, ceux qui le lisent à haute voix, savent déjà quelle volupté intellectuelle, quelle délectation physique suscite en eux l’orchestration éclatante et subtile de ses périodes. Ils sauront maintenant que cet incomparable musicien en prose ne l’emporte pas seulement par des qualités de splendeur et de force, mais qu’il a connu aussi les demi-teintes, les suavités lamartiniennes, le charme des syllabes fuyantes et évocatrices. Telles chutes de phrases vous obsèdent