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XXXII
préface

et critique. On dirait que, dans le dernier, il a limité sa tâche à reproduire la crise intellectuelle et morale qui a bouleversé l’âme antique, durant les derniers jours du paganisme. Aussi, la couleur locale y est-elle scrupuleusement observée. Il n’y a pas un seul détail de mœurs ou d’archéologie qui ne puisse convenir à l’époque où se place l’action. Au contraire, dans la première version, nous sautons continuellement du passé le plus lointain à la réalité la plus contemporaine. Il s’y rencontre jusqu’à une fantastique évocation du Paris moderne, avec ses avenues rectilignes, ses ponts en fer et les cheminées fuligineuses de ses usines. On y assiste à un enterrement dans la campagne normande et l’on y voit tourner les chevaux de bois de nos esplanades.

Pour toutes ces raisons, parce que le premier Saint Antoine est un drame symbolique, une moralité élargie et transformée par la grande imagination de Flaubert, les qualités dramatiques y sont aussi plus apparentes que dans la version de 1874.

D’abord, l’auteur — on se le rappelle — avait songé à adapter au théâtre cette légende de saint Antoine. Il y renonça forcément. Mais dans l’exécution du livre, ses intentions primitives se trahissent. Les répliques se succèdent, s’entre-choquent, avec toute la vivacité du dialogue naturel, et sou-