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XXXI
préface

Ainsi s’explique cette note jetée par Flaubert sur un de ses brouillons : Ton général d’abrutissement, d’idiotisme et de fatigue de la part de saint Antoine, rehaussé par sa colère aigre, à la fin, quand il chasse la Logique… » Il était indispensable, croyons-nous, de souligner ces indications, pour justifier la dépression, l’aplatissement du saint, et, en fin de compte, l’attitude passive qu’il garde depuis le début de la Tentation : saint Antoine est devenu une chose, la chose de Dieu !…

Flaubert s’est donc efforcé de donner un caractère bien défini à son héros. Il n’y a réussi qu’à moitié, puisque son œuvre est plutôt subjective et que, presque partout, on devine l’auteur derrière son personnage.

Au fond, il n’a voulu ni peindre un anachorète égyptien du IVe siècle, ni se raconter lui-même. Son dessein était beaucoup plus vaste. Il voulait, dans le raccourci d’une légende, figurer l’évolution de l’humanité tout entière. De là vient que le premier Saint Antoine a un caractère surtout symbolique, tandis que l’autre est surtout historique

    de penser à son Saint Antoine, même alors qu’il était occupé ailleurs. En revanche, l’autre note que nous reproduisons semble contemporaine de la toute première version de 1849. Or, elle dit déjà tout l’essentiel de la précédente. Flaubert n’aura vu, en 1863, dans le passage de G. Sand, qu’une confirmation inattendue et singulièrement précise de sa propre pensée.