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XXVIII
préface

comme des fruits délicats et rares, — ces facultés s’abâtardissent au contact déprimant des médiocres et des imbéciles. « Les dieux sont morts, mais Babel recommence !… » L’Antéchrist va venir !…

Est-ce à dire que cette vue pessimiste soit le dernier stade où se repose la pensée de Flaubert ? — Il est trop spinoziste pour cela. Le monde ne s’arrête jamais, rien n’est définitif ici-bas ! La substance éternelle continue à créer sans but et sans terme, les modes recommencent perpétuellement leurs évolutions. Ce qui a été sera, et peut-être que l’humanité, après avoir traversé toutes les phases du doute et de l’impiété, en viendra, comme saint Antoine, à « se remettre en prières ».

Cette synthèse finale manque dans la Tentation de 1874, et la discipline de l’idée maîtresse, comme la progression du développement, y est aussi moins sensible. Mais ce qui en est tout à fait absent, — ce qui distingue, en revanche, le premier Saint Antoine, — c’est l’accent religieux.

Évidemment, cette élimination de tout élément mystique dans la seconde version fut préméditée. Dans son œuvre remaniée, Flaubert s’est placé, comme Renan, au seul point de vue de la critique historique. Il ne s’efforce pas simplement de rester neutre dans le débat, on sent trop qu’à