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toi ? Puis, la saisissant d’un bond, l’as-tu renversée sur le lit, qui s’enfonçait comme un flot ? Elle te serrait de ses bras joints, tu sentais ses muscles trembler, ses genoux qui se heurtaient, ses seins se raidir… Sa tête s’en allait, son corps se détendait, prenait des poses assouvies, et les paupières de ses yeux morts frémissaient comme l’aile des papillons de nuit… Étiez-vous bien contents d’être seuls ? Ricaniez-vous tout bas, en touchant vos chairs ? N’est-ce pas que tu t’attendrissais alors en des gratitudes étranges, que ton cœur étonné se prenait dans sa chevelure, et qu’il se répandait avec elle sur ses beaux membres nus ? Tu faisais bien, va ! C’est là le bon de la vie, le reste n’est que mensonge !…

 
 

… Sa robe rose décolletée mord ses épaules grasses. Elle a les cheveux luisants de pommade, quelque chose de miellé qui sent les fleurs. Tu passerais la main dans sa gorge, tu toucherais à son grand peigne. Elle se mettrait pour toi toute nue, en commençant par les pieds, tu verrais se relever son vêtement et s’étendre sa chair…

LA MORT

On passe des bâtons sous la bière, et l’on s’en va. On la voit, quand on la suit, qui se balance de droite et de gauche et semble, à chaque pas, plonger comme une chaloupe. Le mort, là-dedans, se fait