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de la veilleuse frissonnante. Elle sourit, et, le doigt sur la bouche, fait signe qu’elle a peur de l’enfant qui se retourne en son berceau.

Je me délecte dans la suavité des perfidies ignorées ! À moi les enlacements émus, les grands baisers au clair de lune, et les belles fuites à travers champs, avec des galops fous, du vent dans les manteaux et des étreintes qui n’en finissent pas. Je possède aussi les frénésies qui traînent le crime, les philtres, les suicides et les lâches poisons versés par des mains douces !…

LA FEMME AU BANDEAU DÉNOUÉ frappe dans ses mains et crie :

Je suis la Fornication. Les fourmilières grouillent d’amour, la femelle du léopard piaule dans les bambous et la rauque prostituée chante à voix basse des mots impurs sur le seuil de sa maison… C’est l’heure où s’allument les lampes, que balance au plafond le vent chaud des nuits d’été. Voilà que se défont les vêtements et que les femmes nues s’étalent sur les grands lits !… Déroule ma chevelure et tu verras comme elle est longue ! J’ai la taille mince, le flanc large. Mieux que l’acier bondit mon jarret souple et je fais craquer mes os, quand je me renverse sur les hanches. À mon chevet, fume la coupe des enchantements, dont il suffit d’avoir bu pour n’en pas perdre le goût. Je me sers des parfums qui mettent en amour, et les rouges phallus se dressent dans ma main… Viens