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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
ANTOINE, priant.

Ah ! miséricorde ! miséricorde ! Béni ton nom ! bénies tes œuvres et que bénie soit ta colère ! Je ne cherche pas à te comprendre, mais à t’aimer ; je ne désire pas vivre, je ne veux pas mourir. Ô Sainte Vierge ! ô Jésus ! ô Saint-Esprit. Miséricorde ! miséricorde !

Alors le ciel se déchire, et des nuages se repliant sur eux-mêmes largement, découvrent le soleil qui apparaît au milieu, — un immense soleil couleur d’or avec de grands rayons obliques et qui passent, entre les bouffissures des nuées, comme les cordons d’un tabernacle entr’ouvert. Il frappe en plein le visage de saint Antoine ; le Diable baisse la tête ; les Péchés, livides et tout en sueur, râlent d’épuisement.
LE COCHON, se réjouissant.

Ah ! quel bon soleil ! j’avais si peur dans la nuit !

LE DIABLE, d’une voix forte.

L’heure a sonné ! il nous faut partir !

La Mort remonte à cheval ; les Péchés ont disparu.
ANTOINE lève les bras au ciel ; les larmes coulent de ses yeux ; il s’écrie :

Ah ! merci ! merci, Seigneur !