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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE

cissant son vol, pour s’abattre sur la terre. Tu savoureras l’immobilité du néant dans le bonheur de vivre, et tu arriveras à n’être plus qu’une sorte de palpitation, et comme une plante humaine.

LA SCIENCE, triomphante.

Je t’apprendrai la place où des soleils apparaîtront, et la caverne, au bord des flots, où pourrit la momie de Cléopâtre. Je ressusciterai les siècles, je t’ouvrirai la Terre ; tu comprendras la Nature et l’idée, le Bien et le Mal, et ton immense amour englobera, comme l’éther, l’universalité multiple de la Création. Une soif du vrai, plus désintéressée que l’espoir du paradis, te poussera vers Dieu, et tu le sentiras grandir dans le développement de ta pensée, comme le firmament qui s’élargira sous l’envergure chaque jour plus vaste de ta contemplation.

L’ORGUEIL

Il faut que tu te regardes comme le centre du monde. Tu seras chaste et tu seras fort, tout impassible et intelligent comme le Seigneur lui-même. Allons ! lève la tête ! pose-toi en face de Dieu ! dédaigne tout ! Aucun triomphe ne vaut la joie d’en rire, et il y a quelque chose qui dépasse les sommets les plus hauts, c’est de les mépriser parce qu’ils se trouvent trop bas ! Nourris égoïste-