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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
LA LUXURE

Veux-tu des vierges blanches comme la lune ? Aimes-tu mieux des femmes couleur d’ambre, aux ricanements altiers et qui se tordront comme des vipères, dans les replis d’une lubricité inventive, plus féroce que la haine, et sérieuse comme une religion. Tu sentiras contre tes flancs le froid métallique de leurs bracelets d’or, et ta chair bondir sous leurs baisers, ton âme se fondre à leurs prunelles, tout ton être se dissoudre dans les effluves d’un délire enragé.

LA COLÈRE

Viens ! viens ! tu dégorgeras ton âme de la fureur qui l’étouffe, tu ne sais pas les plaisirs de l’assassinat, les voluptés qui vous prennent, quand on lève le couteau, et quelle joie vous ravage, quand il retombe et qu’il pénètre.

LA GOURMANDISE

Tu vas avoir tout de suite et pour toi seul des chairs rouges épicées, plus vaporeuses qu’un nuage, avec des boissons grasses à la glace, et des fruit d’une couleur palpitante, qui semblent vivre comme des bêtes. Tu en mangeras ! tu en boiras ! et continuellement, toujours, sans cesse, à en baver, à en crever !