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première version

Je pense à Théro ma nourrice, à Bellone ma compagne, à mes Saliens qui dansaient d’un pas lourd, en frappant sur leurs boucliers, et je me sens plus triste que ce soir de ma jeunesse, où, blessé par Diomède, je suis remonté dans l’Olympe me plaindre à Jupiter.

CÉRÈS, assise dans un char, dont les moyeux sont deux ailes de cygne qui battent l’air ; le char s’arrête et le flambeau, que la déesse porte à la main, s’éteint.

Oui, arrête-toi ! puisque Neptune a cessé de me poursuivre, puisque j’ai parcouru la terre entière. Ne va pas plus loin ! Arrête-toi !

Elle prend de dessous elle une serviette d’or et s’en essuie les yeux.

Hélas ! hélas ! je ne verrai plus Proserpine resplendissante qui s’ébattait dans les pousses vertes ! Elle est descendue chez Pluton et n’en sortira pas.

Femmes des Athéniens qui portez des cigales d’or dans vos chevelures, vous qui emmaillottez vos enfants avec la robe usée des mystères, qui couchez sur la sarriette sauvage et qui mangez de l’ail pour dissiper la vapeur des parfums, — sortant un soir d’automne par la Porte sacrée, derrière le char qui traîne la Corbeille, toutes en rang, la tête basse et les pieds nus, vous ne recevrez plus l’injure obscène des gens qui vous attendent sur le pont du Céphise !