Page:Flaubert - La Première Tentation de Saint Antoine, éd. Bertrand, 1908.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
LE DIABLE

Oui ! ils ne s’occupaient qu’à boire, comme de bons vivants ! En voilà un plus moral : il vient de la Perse !

On voit venir un vieillard qui marche à pas lents, les yeux fermés, le corps enveloppé dans de vastes draperies, et une barbe blanche lui descend jusqu’au ventre.


Au-dessus de sa tête, se tient en l’air une petite figure semblable à lui et dont la partie inférieure se perd dans un plumage épais.

LE VIEILLARD, e Enfin ! les douze mille ans sont accomplis ! c’est donc le jour ! le grand jour ! Merci, ô Ferver immortel, qui laissais tomber dans mon intelligence les rayons merveilleux de tes pupilles d’émeraude ! Tu vas grandir, n’est-ce pas ? et nous allons nous baigner ensemble dans les profondeurs du Verbe !

Il tend l’oreille, il regarde.

Mais quoi ! je n’entends pas tomber la pluie d’eau noire ! Les corps ranimés ne se relèvent point de leurs tombeaux !

Il appelle.

Kaïomors ! Meschia ! Meschiané !

Silence.

Mes trois fils ne sont donc pas venus ?