Page:Flaubert - La Première Tentation de Saint Antoine, éd. Bertrand, 1908.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
ANTOINE

Cependant… il gouverne, il punit et il récompense.

LE DIABLE

D’après l’ordre, mais qu’il n’a pas volontairement posé, puisque c’est en vertu de cet ordre qu’il existe. Par cela seul qu’ils sont, les faits en amènent d’autres, que l’on appelle ordinairement leurs conséquences : telle action en occasionne une seconde qui en produit une troisième ; d’où une quatrième, une centième, et sans qu’il soit possible d’en arrêter une seule.

L’homme qui commet le mal en reçoit plus tard le châtiment ; mais que sais-tu s’il ne sera pas récompensé par la suite d’avoir été puni autrefois ? Dieu n’est pas plus libre de ne point punir le mal que tu n’es libre d’avoir l’idée qu’il le doit. Ton âme contient Dieu puisqu’elle le pense. — Comment pense-t-elle ? C’est par Dieu ! Mais l’infini ne peut se tenir ailleurs qu’en soi-même. Dieu vit dans la vie, se pense dans la pensée. Puisque tu es, il est en toi, dès l’instant que tu le comprends : tu es en lui, il est toi ; — tu es lui, — et il n’y a qu’Un.

ANTOINE

Il n’y a qu’Un ! il n’y a qu’Un ! J’en suis donc ! je fais partie de Dieu, moi ! Mon corps est de la