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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE

niment petit n’étant pas plus facile à comprendre que l’infiniment grand. Mais par-delà l’intelligence humaine, il n’y a plus ni ce qui est grand ni ce qui est petit, car l’illimité n’a pas de mesure, l’éternité n’a point de durée, Dieu ne se classe pas en parties.

Si le plus imperceptible des brins de la matière te découvre un aussi vaste horizon que l’ensemble des choses, c’est qu’il y a, dans l’un comme dans l’autre, un insaisissable abîme qui les fait pareils. Or, il n’y a pas deux infinis, deux dieux, deux unités : il y a Lui, et c’est tout !

ANTOINE

Comment ? tout ! Dieu est partout, alors ?… il est donc dans l’abstraction de ceux qui pensent, dans la passion de ceux qui souffrent, dans l’action de ceux qui font ? Assiste-t-il à tout cela ? est-il tout cela ?… cette partie de moi où je n’ai jamais pu entrer, c’était donc lui !… Oh ! montons !… plus haut ! encore !… tout au bout !

Le firmament s’élargit, les étoiles se touchent.
LE DIABLE

Les vois-tu, les innombrables feux du ciel ? constellations, météores, astres qui durent des myriades de siècles, étoiles d’un jour ! Chacun tourne, chacun brille, et c’est le même mouvement, la même lumière ! Le sang de l’homme palpite dans