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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE

réchauffer mon sang appauvri, je vais dans l’Yémen prendre de la myrrhe fraîche, dont je compose un nid funèbre. Alors je ferme les plumes et je me mets à mourir.

La pluie d’équinoxe qui tombe sur ma cendre la mêle au parfum tiède encore. Un ver apparaît, il lui pousse des ailes, il s’envole : c’est le Phénix, fils ressuscité du Père… Des astres nouveaux s’épanouissent, un soleil plus jeune éclate, et les sphères paresseuses recommencent à tourner.

Le Phénix voltige en faisant des cercles enflammés ; — Antoine ébloui abaisse ses regards sur la terre, et d’autres animaux apparaissent, bêtes cornues, monstres ventrus.
LE COCHON

Je suis malade ! Comme je souffre ! qu’ils me tourmentent !… Oh ! là ! là !… hah ! hah ! hah !

Il court de côté et d’autre.

Je suis brûlé ! asphyxié ! étranglé ! je crève de toutes les façons ! On me tire la queue, on me pince le ventre, on m’écorche le dos, et j’ai un aspic qui me mord la verge !

ANTOINE, pleurant.

Mon pauvre cochon ! mon pauvre cochon !