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première version

se collent à mes narines et les perroquets, les colombes et les ibis se tiennent perchés sur mes rameaux… Écoute !

Il renverse son bois, d’où sort une musique ineffable.
ANTOINE

Quels sons ! mon cœur se détache ! il vibre ! cette mélodie va l’emporter avec elle !

LE SADHUZAG

Mais quand je me tourne vers le nord et que j’incline mon bois plus touffu qu’un bataillon de lances, il en part une voix terrible, et les forêts tressaillent, les cascades remontent, les lotus s’éclatent, la terre tremble et les herbes se hérissent comme la chevelure d’un lâche… Écoute !

Il baisse en avant ses rameaux, d’où sort une musique épouvantable.
ANTOINE

Ah ! je me dissous, et tout ce qu’il y a dans ma tête s’en arrache et tourbillonne, comme des feuilles d’arbre dans un grand vent !

LA LICORNE

Au galop ! au galop ! J’ai les sabots d’ivoire, les dents d’acier, la tête couleur de pourpre, le corps