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à regarder les étoiles dans les vasques de porphyre.

LA CHIMÈRE

De l’air ! de l’air ! du feu ! du feu ! je cours sur les flots, je plane sur les monts, j’aboie dans les gouffres. De ma queue traînante, je raye les plages. En me couchant sur la terre, mon ventre a creusé les vallées, et les collines ont pris leur courbe selon la forme de mes épaules. Mais toi, toujours accroupi et grondant comme un orage, je te retrouve immobile, ou bien, du bout de ta griffe, dessinant des alphabets sur le sable.

LE SPHINX

C’est que je garde mon secret, je songe et je calcule. L’océan, dans son grand lit, se balance encore. Le chacal, piaule près des sépulcres. Les blés se courbent aux mêmes brises. Je vois la poussière qui tourbillonne, le soleil qui luit, j’entends le vent qui souffle.

LA CHIMÈRE

Moi. je suis légère et joyeuse. Je découvre aux hommes des perspectives éblouissantes avec des paradis dans les nuages et des félicités lointaines. Je verse à l’âme les éternelles manies, projets de bonheur, plans d’avenir, rêves de gloire, —