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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
Elle allonge les lèvres, pousse un sifflement aigu, et un grand oiseau qui descend du ciel vient s’abattre sur le sommet de sa chevelure dont il fait tomber la poudre bleue. Son plumage de couleur orange semble composé d’écailles métalliques. Sa petite tête garnie d’une huppe d’argent représente un visage humain. Il a quatre ailes, des pattes de vautour et une immense queue de paon, qu’il étale en rond derrière lui. Il saisit dans son bec le parasol de la reine, chancelle un peu avant de prendre son aplomb, puis hérisse toutes ses plumes et demeure immobile.

Merci, beau Simorg-Anka ! toi qui m’as appris où se cachait l’amoureux. Merci ! merci ! messager de mon cœur !

Il vole comme le désir. Il fait le tour du monde dans sa journée. Le soir, il revient, il se pose aux pieds de ma couche ; il me raconte ce qu’il a vu : les mers qui ont passé sous lui avec les poissons et les navires, les grands déserts vides qu’il a contemplés du haut des cieux, et toutes les moissons qui se courbaient dans la campagne, et les plantes qui poussaient sur le mur des villes abandonnées.

Elle passe langoureusement ses bras au cou de saint Antoine.

Oh ! si tu voulais ! si tu voulais… J’ai un pavillon sur un promontoire, au milieu d’un isthme, entre deux océans. Il est lambrissé de plaques de verre, parqueté d’écailles de tortue, et s’ouvre aux quatre vents du ciel.

D’en haut, je vois revenir mes flottes et les