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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE

pour nous en retourner vite à la maison. Mais… Comment ?… à quoi songes-tu ?

Elle l’examine.

Ah ! quand tu seras mon mari, je t’habillerai, je te parfumerai, je t’épilerai.

Antoine reste tout immobile, plus raide qu’un pieu, pâle comme un mort et les yeux écarquillés.

Tu as l’air triste ! à cause donc ? est-ce de quitter ta cabane ? Moi, j’ai tout quitté pour toi, — jusqu’au roi Salomon qui, cependant, a beaucoup de sagesse, vingt mille chariots de guerre, et une belle barbe ! Je t’ai apporté mes cadeaux de noces. Choisis !

Elle se promène entre les rangées d’esclaves et les marchandises.

Voici du baume de Génézareth, de l’encens du Cap Gardefan, du ladanon, du cinnamome et du silphium bon à mettre dans les sauces. Il y a là-dedans des broderies d’Assur, des ivoires du Gange, de la pourpre d’Elisa ; et cette boîte de neige contient une outre de Chalibon, vin réservé pour les rois d’Assyrie et qui se boit pur dans une corne de licorne. Voilà des colliers, des agrafes, des filets, des parasols, de la poudre d’or de Baasa, du cassiteros de Tartessus, du bois bleu de Pandio, des fourrures blanches d’Issedonie, des escarboucles de l’île Palœsimonde, et des cure-dents