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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
LA REINE DE SABA

Ah ! bel ermite ! bel ermite ! mon cœur défaille !

ANTOINE, en se reculant.

Va-t’en ! tu es une illusion ! je le sais ! arrière !

LA REINE DE SABA

À force de piétiner d’impatience, il m’est venu des calus au talon et j’ai cassé un de mes ongles. J’envoyais des bergers qui restaient debout sur les montagnes, la main étendue devant les yeux, et des chasseurs qui criaient ton nom dans les bois, et des espions qui parcouraient toutes les routes, en demandant à chaque passant : « L’avez-vous vu ? »

Le soir, enfin, je descendais de ma tour, c’est-à-dire que mes servantes m’emportaient dans leurs bras ; car je m’évanouissais régulièrement, quand se levait l’étoile de Sirius.

ANTOINE, à part.

Mais j’ai beau fermer mes paupières, je l’aperçois toujours !…

LA REINE DE SABA

On me faisait revenir, en brûlant des herbes, et l’on m’introduisait dans la bouche, avec une spa-