Page:Flaubert - La Première Tentation de Saint Antoine, éd. Bertrand, 1908.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
IX
préface

Il est manifeste que Flaubert, en écrivant cette première ébauche, n’avait nullement songé au lecteur. D’un bout à l’autre, il se lâche en expansions lyriques, qui finissent par devenir fatigantes pour tout autre que pour lui. Outre les longueurs, et une composition assez difficile à démêler, il y avait des fautes de goût criantes, une grosse couleur romantique qui datait déjà, un manque d’équilibre choquant. Bref, le manuscrit, dans l’état, était impubliable. Mais le vouer au feu, c’était aller vraiment un peu loin. On s’étonne du jugement radical et, en somme, peu intelligent de Louis Bouilhet. Peut-être lui et Du Camp étaient-ils excédés par ces trente-six heures de lecture, peut-être encore la déclamation ronflante de Flaubert avait-elle exagéré jusqu’au ridicule les effets d’un style déjà très monté. Cela est plus que probable. Néanmoins les deux censeurs restent sans excuse de n’avoir pas senti la richesse et la fécondité de ce chaos, d’avoir condamné sans appel des morceaux absolument parfaits de facture, comme l’épisode d’Hélène et de Simon le Magicien, celui d’Apollonius de Tyane, et combien d’autres !…

Quoi qu’il en soit, Flaubert, la mort dans l’âme, se rendit à leurs raisons. Il aurait même accepté de leurs mains — si l’on en croit Du Camp — le sujet de Madame Bovary, choisi tout exprès pour