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première version

dises quelque chose. — Les philosophes échauffés dissertaient sur le Beau, les peintres, avec grands gestes, s’ébahissaient de ton profil, et les poètes, pâlissant, se sentaient frissonner sous leurs tuniques.

Ce ne sont pas des Barbares qui peuvent non plus t’applaudir, lorsque tu t’allonges comme un nageur sur l’épignonion aux quarante cordes d'’or, ou quand, sous l’archet d’ivoire, ronfle ta cithare creuse, et que ta bouche aux doux accents s’ouvre pour les mélodies de la Muse. Ô Démonassa, toi qui as les sourcils courbes comme l’arc d’Apollon et dont le visage est beau comme la mer tranquille, tu n’auras plus les longues Thesmophories se déroulant avec des chœurs sur le chemin d’Eleusis, ni le théâtre de Bacchus qui glapit de la voix des mimes, ni le port, où l’on se promène, les soirs !…

LA COURTISANE

Mais, Lampito, quelqu’un frappe à la porte !

LAMPITO

Non, maîtresse !… c’est l’auvent qui bat contre le mur.

LE FAUX ANTOINE, tenant le marteau.

Mes genoux tremblent, je n’oserai.