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VII
préface

que les deux Faust reflètent à peu près toute la vie de Gœthe, de même les deux Saint Antoine sont comme un raccourci de la vie intellectuelle de Flaubert. À tout instant, il s’y remettait. Il retirait de leurs cartons les chers manuscrits, il s’enfermait avec eux pour les relire, il les corrigeait amoureusement, il en surchargeait les marges de notes au crayon. Dans ce milieu extravagant du Bas-Empire, il s’installait comme chez lui, il s’y reconnaissait, s’y chérissait dans l’exagération de ses qualités, de ses défauts et de ses manies. Cela seul pouvait l’intéresser personnellement, et c’est à croire qu’à ses yeux tout le reste n’était que de la « littérature ».

« Jamais, — écrivait-il à Mme Colet, — je ne retrouverai des éperduments de style comme je m’en suis donné là, pendant dix-huit grands mois ». En effet, aucune de ses compositions ultérieures ne fut enlevée avec une fougue, une ardeur pareilles, une spontanéité, une sincérité plus complètes, une sensibilité plus vibrante et plus fraîche. Il se précipita à corps perdu et l’âme en fête vers les horizons illimités de la légende et de l’histoire. Ce fut une chevauchée lyrique au grand galop, pour le seul plaisir d’aller, — une sorte de course au sublime. On s’en aperçoit quand on compare le manuscrit de 1849 à celui de 1874. Autant l’écri-