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VI
préface

toutes, gravitaient plus ou moins autour de l’antiquité gréco-latine et conduisaient par d’infinis détours à ce sujet brûlant de Saint Antoine qu’il couvait toujours dans le secret de sa pensée.

Enfin il se décide, après deux ans d’un travail acharné, à peine interrompu par quelques fugues sentimentales et par un voyage en Bretagne. Dans sa solitude de Croisset, il s’était surchauffé l’imagination à un degré extraordinaire. Les textes l’avaient grisé, mais, bien plus encore, il était ivre de tous les appétits comprimés d’une jeunesse fougueuse (il avait vingt-sept ans), de tous les rêves tumultueux et superbes qui s’agitaient en lui. Ce fut le grand emballement. Il commença à écrire le 24 mai 1848[1], et il termina le mercredi 12 septembre 1849 : quinze mois et demi pour mettre debout une œuvre qui ne compte pas moins de 540 pages grand format ! Cela est prodigieux, quand on songe avec quelle difficulté et quelle lenteur il composa plus tard ses autres livres.

C’est aussi que nul autre ne lui tint plus au cœur. Saint Antoine fut au fond sa seule passion, l’affaire capitale de toute son existence. De même

  1. Ces dates sont fournies par le manuscrit de 1849. Sur la dernière page, Flaubert a écrit : Cy finit La Tentation de saint Antoine. Mercredi 12 septembre 1849 trois heures vingt de l’après-midi, temps de soleil et de vent. Commencé le mercredi 24 mai 1848, à trois heures un quart. »