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VII

Vers le commencement de cet hiver, Frédéric et Deslauriers causaient au coin du feu, réconciliés encore une fois, par la fatalité de leur nature qui les faisait toujours se rejoindre et s’aimer.

L’un expliqua sommairement sa brouille avec Mme Dambreuse, laquelle s’était remariée à un Anglais.

L’autre, sans dire comment il avait épousé Mlle Roque, conta que sa femme, un beau jour, s’était enfuie avec un chanteur. Pour se laver un peu du ridicule, il s’était compromis dans sa préfecture par des excès de zèle gouvernemental. On l’avait destitué. Il avait été, ensuite, chef de colonisation en Algérie, secrétaire d’un pacha, gérant d’un journal, courtier d’annonces, pour être finalement employé au contentieux dans une compagnie industrielle.

Quant à Frédéric, ayant mangé les deux tiers de sa fortune, il vivait en petit bourgeois.

Puis, ils s’informèrent mutuellement de leurs amis.

Martinon était maintenant sénateur.

Hussonnet occupait une haute place, où il se trouvait avoir sous sa main tous les théâtres et toute la presse.

Cisy, enfoncé dans la religion et père de huit enfants, habitait le château de ses aïeux.

Pellerin, après avoir donné dans le fourriérisme, l’homéopathie, les tables tournantes, l’art gothique et la