Ils habitaient le fond de la Bretagne, pour vivre économiquement et payer leurs dettes. Arnoux, presque toujours malade, semblait un vieillard maintenant. Sa fille était mariée à Bordeaux, et son fils en garnison à Mostaganem. Puis elle releva la tête :
— « Mais je vous revois ! Je suis heureuse ! »
Il ne manqua pas de lui dire qu’à la nouvelle de leur catastrophe, il était accouru chez eux.
— « Je le savais ! »
— « Comment ? »
Elle l’avait aperçu dans la cour, et s’était cachée.
— « Pourquoi ? »
Alors, d’une voix tremblante, et avec de longs intervalles entre ses mots :
— « J’avais peur ! Oui… peur de vous… de moi ! »
Cette révélation lui donna comme un saisissement de volupté. Son cœur battait à grands coups. Elle reprit « Excusez-moi de n’être pas venue plus tôt. » Et désignant le petit portefeuille grenat couvert de palmes d’or :
— « Je l’ai brodé à votre intention, tout exprès. Il contient cette somme, dont les terrains de Belleville devaient répondre. »
Frédéric la remercia du cadeau, tout en la blâmant de s’être dérangée.
— « Non ! Ce n’est pas pour cela que je suis venue ! Je tenais à cette visite, puis je m’en retournerai… là-bas. »
Et elle lui parla de l’endroit qu’elle habitait.
C’était une maison basse, à un seul étage, avec un jardin rempli de buis énormes et une double avenue de châtaigniers montant jusqu’au haut de la colline, d’où l’on découvre la mer.
— « Je vais m’asseoir là, sur un banc, que j’ai appelé : le banc Frédéric. »
Puis elle se mit à regarder les meubles, les bibelots, les cadres, avidement, pour les emporter dans sa mé-