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mis au secrétaire et, comme la voix aigre de Rosanette continuait :

— « Ah au nom du ciel, tais-toi ! »

— « Vas-tu les défendre, par hasard ? »

— « Eh bien, oui ! » s’écria-t-il, « car d’où vient cet acharnement ? »

— « Mais toi, pourquoi ne veux-tu pas qu’ils payent ? C’est dans la peur d’affliger ton ancienne, avoue-le ! » Il eut envie de l’assommer avec la pendule ; les paroles lui manquèrent. Il se tut. Rosanette, tout en marchant dans la chambre, ajouta :

— « Je vais lui flanquer un procès, à ton Arnoux. Oh ! je n’ai pas besoin de toi ! » et, pinçant les lèvres : « Je consulterai. »

Trois jours après, Delphine entra brusquement.

— « Madame, madame, il y a là un homme avec un pot de colle qui me fait peur. »

Rosanette passa dans la cuisine, et vit un chenapan, la face criblée de petite vérole, paralytique d’un bras, aux trois quarts ivre et bredouillant.

C’était l’afficheur de maître Gautherot. L’opposition à la saisie ayant été repoussée, la vente, naturellement, s’ensuivait.

Pour sa peine d’avoir monté l’escalier, il réclama d’abord un petit verre ; — puis il implora une autre faveur, à savoir des billets de spectacle, croyant que Madame était une actrice. Il fut ensuite plusieurs minutes à faire des clignements d’yeux incompréhensibles ; enfin, il déclara que, moyennant quarante sous, il déchirerait les coins de l’affiche déjà posée en bas, contre la porte. Rosanette s’y trouvait désignée par son nom, rigueur exceptionnelle qui marquait toute la haine de la Vatnaz.

Elle avait été sensible autrefois, et même, dans une peine de cœur, avait écrit à Béranger pour en obtenir un conseil. Mais elle s’était aigrie sous les bourrasques de l’existence, ayant, tour à tour, donné des leçons de