jeune homme à moustaches. « C’est une vieille blague du Gouvernement, pour épouvanter les bourgeois ! »
Martinon l’engagea à parier plus bas, dans la crainte de la police.
— « Vous croyez encore à la police, vous ? Au fait, que savez-vous, monsieur, si je ne suis pas moi-même un mouchard ? »
Et il le regarda d’une telle manière, que Martinon, fort ému, ne comprit point d’abord la plaisanterie. La foule les poussait, et ils avaient été forcés, tous les trois, de se mettre sur le petit escalier conduisant, par un couloir, dans le nouvel amphithéâtre.
Bientôt la multitude se fendit d’elle-même ; plusieurs têtes se découvrirent ; on saluait l’illustre professeur Samuel Rondelot, qui, enveloppé de sa grosse redingote, levant en l’air ses lunettes d’argent et soufflant de son asthme, s’avançait à pas tranquilles, pour faire son cours. Cet homme était une des gloires judiciaires du XIXe siècle, le rival des Zacharioe, des Rudorff. Sa dignité nouvelle de pair de France n’avait modifié en rien ses allures. On le savait pauvre, et un grand respect l’entourait.
Cependant, du fond de la place, quelques-uns crièrent :
— « À bas Guizot ! »
— « À bas Pritchard ! »
— « À bas les vendus ! »
— « À bas Louis-Philippe ! »
La foule oscilla, et, se pressant contre la porte de la cour qui était fermée, elle empêchait le professeur d’aller plus loin. Il s’arrêta devant l’escalier. On l’aperçut bientôt sur la dernière des trois marches. Il parla ; un bourdonnement couvrit sa voix. Bien qu’on l’aimât tout à l’heure, on le haïssait maintenant, car il représentait l’Autorité. Chaque fois qu’il essayait de se faire entendre, les cris recommençaient. Il fit un grand geste pour engager les étudiants à le suivre. Une vocifération universelle lui répondit. Il haussa les épaules