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mordoré chatoyant, des pots rehaussés d’écritures arabes, des buires dans le goût de la Renaissance, et de larges assiettes avec deux personnages, qui étaient comme dessinés à la sanguine, d’une façon mignarde et vaporeuse. Il fabriquait maintenant des lettres d’enseigne, des étiquettes à vin ; mais son intelligence n’était pas assez haute pour atteindre jusqu’à l’Art, ni assez bourgeoise non plus pour viser exclusivement au profit, si bien que, sans contenter personne, il se ruinait. Tous deux considéraient ces choses, quand Mlle Marthe passa.

— « Tu ne le reconnais donc pas ? » lui dit sa mère.

— « Si fait ! » reprit-elle en le saluant, tandis que son regard limpide et soupçonneux, son regard de vierge semblait murmurer : « Que viens-tu faire ici, toi ? » et elle montait les marches, la tête un peu tournée sur l’épaule.

Mme Arnoux emmena Frédéric dans la cour, puis elle expliqua d’un ton sérieux comment on broie les terres, on les nettoie, on les tamisé.

— « L’important, c’est la préparation des pâtes. »

Et elle l’introduisit dans une salle que remplissaient des cuves, où virait sur lui-même un axe vertical armé de bras horizontaux. Frédéric s’en voulait de n’avoir pas refusé nettement sa proposition, tout à l’heure.

— « Ce sont les patouillards », dit-elle.

Il trouva le mot grotesque, et comme inconvenant dans sa bouche.

De larges courroies filaient d’un bout à l’autre du plafond, pour s’enrouler sur des tambours, et tout s’agitait d’une façon continue, mathématique, agaçante.

Ils sortirent de là, et passèrent près d’une cabane en ruines, qui avait autrefois servi à mettre des instruments de jardinage.

— « Elle n’est plus utile », dit Mme Arnoux.