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Elle portait une robe de soie brune, de la couleur d’un vin d’Espagne, avec un paletot de velours noir, bordé de martre ; cette fourrure donnait envie de passer les mains dessus, et ses longs bandeaux, bien lissés, attiraient les lèvres. Mais une émotion la troublait, et, tournant les yeux du côté de la porte :

— « Il fait un peu chaud, ici ! »

Frédéric devina l’intention prudente de son regard.

— « Pardon ! les deux battants ne sont que poussés. »

— « Ah ! c’est vrai ! »

Et elle sourit, comme pour dire : « Je ne crains rien. » Il lui demanda immédiatement ce qui l’amenait. — « Mon mari », reprit-elle avec effort, « m’a engagée à venir chez vous, n’osant faire cette démarche lui-même. »

— « Et pourquoi ? »

— « Vous connaissez M. Dambreuse, n’est-ce pas ? »

— « Oui, un peu ! »

— « Ah ! un peu. »

Elle se taisait.

— « N’importe ! achevez. »

Alors, elle conta que l’avant-veille, Arnoux n’avait pu payer quatre billets de mille francs souscrits à l’ordre du banquier, et sur lesquels il lui avait fait mettre sa signature. Elle se repentait d’avoir compromis la fortune de ses enfants. Mais tout valait mieux que le déshonneur ; et, si M. Dambreuse arrêtait les poursuites, on le payerait bientôt, certainement ; car elle allait vendre, à Chartres, une petite maison qu’elle avait.

— « Pauvre femme ! » murmura Frédéric.

— « J’irai comptez sur moi. »

— « Merci ! »

Et elle se leva pour partir.