les, il prodiguait les révélations, avec l’étourderie de ces gens qui étalent leurs trésors dans les auberges.
Une catastrophe dérangea son équilibre.
Il était entré, comme membre du Conseil de surveillance, dans une compagnie de kaolin. Mais, se fiant à tout se qu’on lui disait, il avait signé des rapports inexacts et approuvé, sans vérification, les inventaires annuels frauduleusement dressés par le gérant. Or, la compagnie avait croulé, et Arnoux, civilement responsable, venait d’être condamné, avec les autres, à la garantie des dommages-intérêts, ce qui lui faisait une perte d’environ trente mille francs, aggravée par les motifs du jugement.
Frédéric apprit cela dans un journal, et se précipita vers la rue Paradis.
On le reçut dans la chambre de Madame. C’était l’heure du premier déjeuner. Des bols de café au lait encombraient un guéridon auprès du feu. Des savates traînaient sur le tapis, des vêtements sur les fauteuils. Arnoux, en caleçon et en veste de tricot, avait les yeux rouges et la chevelure ébouriffée ; le petit Eugène, à cause de ses oreillons, pleurait, tout en grignotant sa tartine ; sa sœur mangeait tranquillement ; Mme Arnoux, un peu plus pâle que d’habitude, les servait tous les trois.
— « Eh bien », dit Arnoux, en poussant un gros soupir, « vous savez ! » Et Frédéric ayant fait un geste de compassion : « Voilà ! J’ai été victime de ma confiance ! » Puis il se tut ; et son abattement était si fort, qu’il repoussa le déjeuner. Mme Arnoux leva les yeux, avec un haussement d’épaules. Il se passa les mains sur le front.
— « Après tout, je ne suis pas coupable. Je n’ai rien à me reprocher. C’est un malheur ! On s’en tirera ! Ah ! ma foi, tant pis ! »
Et il entama une brioche, obéissant, du reste, aux sollicitations de sa femme.