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chesses, des présents splendides. La tête un peu à droite ! Parfait ! et ne bougez plus ! Cette attitude majestueuse va bien à votre genre de beauté ? »

Elle avait une robe écossaise avec un gros manchon et se retenait pour ne pas rire.

— « Quant à la coiffure, nous la mêlerons à un tortis de perles : cela fait toujours bon effet dans les cheveux rouges. »

La Maréchale se récria, disant qu’elle n’avait pas les cheveux rouges.

— « Laissez donc ! Le Rouge des peintres n’est pas celui des bourgeois ! »

Il commença à esquisser la position des masses ; et il était si préoccupé des grands artistes de la Renaissance, qu’il en parlait. Pendant une heure, il rêva tout haut à ces existences magnifiques, pleines de génie, de gloire et de somptuosités avec des entrées triomphales dans les villes, et des galas à la lueur des flambeaux, entre des femmes à moitié nues, belles comme des déesses.

— « Vous étiez faite pour vivre dans ce temps-là. Une créature de votre calibre aurait mérité un monseigneur ! » Rosanette trouvait ses compliments fort gentils. On fixa le jour de la séance prochaine ; Frédéric se chargeait d’apporter les accessoires.

Comme la chaleur du poêle l’avait étourdie quelque peu, ils s’en retournèrent à pied par la rue du Bac et arrivèrent sur le pont Royal.

Il faisait un beau temps, âpre et splendide. Le soleil s’abaissait ; quelques vitres de maison, dans la Cité, brillaient au loin comme des plaques d’or, tandis que, par derrière, à droite, les tours de Notre-Dame se profilaient en noir sur le ciel bleu, mollement baigné à l’horizon dans des vapeurs grises. Le vent souffla et Rosanette ayant déclaré qu’elle avait faim, ils entrèrent à la Pâtisserie anglaise.