Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée

bés. Son érudition se bornait à deux ouvrages, l’un intitulé Crimes des rois, l’autre Mystères du Vatican. Il avait écouté l’avocat bouche béante, avec délices. Enfin, n’y tenant plus :

— « Moi, ce que je reproche à Louis-Philippe, c’est d’abandonner les Polonais ! »

— « Un moment ! » dit Hussonnet. « D’abord, la Pologne n’existe pas ; c’est une invention de Lafayette ! Les Polonais, règle générale, sont tous du faubourg Saint-Marceau, les véritables s’étant noyés avec Poniatowski. » Bref, « il ne donnait plus là-dedans », il était « revenu de tout ça ! » C’était comme le serpent de mer, la révocation de l’édit de Nantes et « cette vieille blague de la Saint-Barthélemy ! »

Sénécal, sans défendre les Polonais, releva les derniers mots de l’homme de lettres. On avait calomnié les papes, qui, après tout, défendaient le peuple, et il appelait la Ligue « l’aurore de la Démocratie, un grand mouvement égalitaire contre l’individualisme des protestants. »

Frédéric était un peu surpris par ces idées. Elles ennuyaient Cisy probablement, car il mit la conversation sur les tableaux vivants du Gymnase, qui attiraient alors beaucoup de monde.

Sénécal s’en affligea. De tels spectacles corrompaient les filles du prolétaire ; puis on les voyait étaler un luxe insolent. Aussi approuvait-il les étudiants bavarois qui avaient outragé Lola Montés. À l’instar de Rousseau, il faisait plus de cas de la femme d’un charbonnier que de la maîtresse d’un roi.

— « Vous blaguez les truffes ! » répliqua majestueusement Hussonnet. Et il prit la défense de ces dames, en faveur de Rosanette. Puis, comme il parlait de son bal et du costume d’Arnoux :

— « On prétend qu’il branle dans le manche ? » dit Pellerin.