— « Dépêche-toi. »
On arrivait. Il chercha péniblement Arnoux dans la foule des passagers, et l’autre répondit en lui serrant la main :
— « Au plaisir, cher monsieur ! »
Quand il fut sur le quai, Frédéric se retourna. Elle était près du gouvernail, debout. Il lui envoya un regard où il avait tâché de mettre toute son âme ; comme s’il n’eût rien fait, elle demeura immobile. Puis, sans égard aux salutations de son domestique :
— « Pourquoi n’as-tu pas amené la voiture jusqu’ici ? »
Le bonhomme s’excusait.
— « Quel maladroit ! Donne-moi de l’argent ! » Et il alla manger dans une auberge.
Un quart d’heure après, il eut envie d’entrer comme par hasard dans la cour des diligences. Il la verrait encore, peut-être ?
— « À quoi bon ? » se dit-il.
Et l’américaine l’emporta. Les deux chevaux n’appartenaient pas à sa mère. Elle avait emprunté celui de M. Chambrion, le receveur, pour l’atteler auprès du sien. Isidore, parti la veille, s’était reposé à Bray jusqu’au soir et avait couché à Montereau, si bien que les bêtes rafraîchies trottaient lestement.
Des champs moissonnés se prolongeaient à n’en plus finir. Deux lignes d’arbres bordaient la route, les tas de cailloux se succédaient ; et peu à peu, Villeneuve-Saint-Georges, Ablon, Châtillon, Corbeil et les autres pays, tout son voyage lui revint à la mémoire, d’une façon si nette qu’il distinguait maintenant des détails nouveaux, des particularités plus intimes ; sous le dernier volant de sa robe, son pied passait dans une mince bottine en soie, de couleur marron ; la tente de coutil formait un large dais sur sa tête, et les petits glands rouges de la bordure tremblaient à la brise, perpétuellement.
Elle ressemblait aux femmes des livres romantiques.