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théories de Louis Blanc, ce qui enlevait à leur enquête tout caractère d’indépendance… » (Jules Trousset, Histoire d’un siècle, t. IX, p. 52, 53, 54, 60 et 61.)

P. 451. Les ateliers nationaux. — « Les Ateliers nationaux, ouverts en vertu du décret du 27 février, avaient été constitués de la manière suivante. Tous les ouvriers sans travail y étaient admis ; ils étaient groupés militairement par escouades, brigades, compagnies. Quel que fût leur métier, maçons, ciseleurs, tapissiers, ébénistes, cordonniers, terrassiers de profession, ils étaient uniformément employés à des terrassements, en particulier aux terrassements nécessités par la construction de la gare Saint-Lazare et de la gare Montparnasse. Le salaire était de deux francs par jour : on eut dès le premier jour dix mille ouvriers. Comme on ne pouvait pas les utiliser tous à la fois sur les chantiers, on donna néanmoins à ceux qui ne travaillaient pas 1 fr. 50, et l’on établit un roulement de travail et de repos entre les équipes. La possibilité de gagner trente sous sans rien faire, attira aux Ateliers nationaux nombre de paresseux et de vagabonds, qui accoururent même de la province.

« D’autre part l’agitation socialiste, effrayant la bourgeoisie, avait amené l’arrêt presque complet du commerce ; faute de commande, les ateliers privés se fermaient, et par là de nouveaux contingents d’ouvriers sans travail affluèrent aux Ateliers nationaux. On y comptait plus de 60,000 hommes au milieu d’avril et, quoique l’on eût diminué les salaires, ramenés à 8 francs par semaine, 117,000 au mois de mai. Comme tous les travaux utiles étaient achevés, on les employait à déplacer des pavés, à remuer de la terre pour rien, au Champ de Mars ; il en coûtait plus de 150,000 francs par jour à l’État.

« Cette ruineuse organisation des Ateliers nationaux s’était faite malgré les protestations de Louis Blanc. Présentée comme l’application de son système, elle n’en était pas même la caricature. Louis Blanc eût voulu que les ouvriers fussent groupés d’après leur profession, et que le Gouvernement se bornât à leur prêter l’argent nécessaire au fonctionnement d’ateliers qu’ils organiseraient et exploiteraient eux-mêmes, à leurs risques et périls. L’expérience fut faite par des tailleurs, auxquels on donna l’entreprise de l’habillement de la garde nationale ; elle réussit. Les Ateliers nationaux furent organisés contre Louis Blanc, par un de ses collègues du Gouvernement provisoire, Marie, dont le but, de son propre aveu, était de ruiner la popularité de Louis Blanc et de démontrer aux ouvriers que les théories sur l’organisation du travail étaient « vides, fausses et inapplicables ». L’expérience faite sans bonne foi avait coûté des millions inutilement gaspillés ; elle allait coûter des flots de sang. » (Albert Malet, Histoire contemporaine, p. 394.)